Le rite initiatique chez Amélie Nothomb

oui, même si j'aime profondément Amélie, je ne me risquerais pas à me taper une sale note à mon émoire et des remarques pas sympas en la choisissant. Je le dis tout net

Ta réaction me paraît plutôt normale !

Il est vrai que les professeurs n'aiment pas trop Amélie Nothomb en général, ils la trouvent trop "commerciale", pas très littéraires. J'ai pu en discuter avec certains d'entre eux l'année dernière et je ne comprenais pas réellement pourquoi ils la méprisaient tant (le verbe "mépriser" correspond réellement parfois!).
Ceci dit, mon examinateur à l'oral de Français (il y a voilà trois ans!) m'a dit que certes, Amélie Nothomb ce n'est pas du Victor Hugo mais, toutefois, elle avait cette même écriture identique à celle de Rimbaud: une écriture un peu folle, légère, très maîtrisée... Ca ne pouvait qu'être qu'une comparaison flatteuse et lorsque je l'ai dit à Amélie, elle était effectivement très flattée!

L'écriture d'Amélie Nothomb a évolué de toute façon, entre Hygiène et Métaphysique, un gouffre. Je ne parle pas de Ni d'Eve ni d'Adam qui amorce une évolution supplémentaire.
Au départ (Hygiène), je la trouvais un peu sèche, mais l'écriture s'est étoffée et Biographie de la faim est très travaillé au niveau du style. Ni d'Eve ni d'Adam est aérien, le travail ne se sent pas, c'est du Chopin. Antechrista et Stupeur et tremblements me semblent des chefs-d'oeuvre de simplicité narrative et stylistique (fausse simplicité, pour y arriver, il faut un sacré travail et un sacré métier). Et puis, cet humour qui arrive dans la phrase sans crier gare, et qui vous égorge délicieusement.
Comment peut-on dire que Nothomb n'est pas "littéraire" ???
Quant à ceux qui disent lire un Nothomb en une heure, ils loupent l'essentiel. Savourer une phrase, ça prend déjà plusieurs secondes. Goûter à la fois le sens, l'histoire, la texture, pour cela il faut se réfréner, se mettre au pas et lire le plus lentement possible. La vraie histoire est aussi celle du style.

Je crois que, outre qu'AN vende beaucoup de livres, le fait qu'elle sorte un nouveau texte chaque année et qu'elle déclare en plus écrire trois à quatre romans en douze mois la dessert auprès des universitaires, professeurs et critiques.
Je suis d'accord avec toi, claire, son style est très riche, mais la cadence de publication donne l'image de quelqu'un qui écrit à toute vitesse, sans se relire, sans retravailler et donc sans soin particulier : c'est contraire à l'idée la plus répandue d'un travail d'écrivain "noble". Ca alimente le moulin de ceux qui disent qu'elle n'est intéressée que par l'aspect commercial de la chose.
Cf. déjà chez Boileau "cent fois sur le métier remettras ton ouvrage".

nausicaa a écrit:

Je crois que, outre qu'AN vende beaucoup de livres, le fait qu'elle sorte un nouveau texte chaque année et qu'elle déclare en plus écrire trois à quatre romans en douze mois la dessert auprès des universitaires, professeurs et critiques.
Je suis d'accord avec toi, claire, son style est très riche, mais la cadence de publication donne l'image de quelqu'un qui écrit à toute vitesse, sans se relire, sans retravailler et donc sans soin particulier : c'est contraire à l'idée la plus répandue d'un travail d'écrivain "noble". Ca alimente le moulin de ceux qui disent qu'elle n'est intéressée que par l'aspect commercial de la chose.
Cf. déjà chez Boileau "cent fois sur le métier remettras ton ouvrage".

Ca veut tout simplement dire qu'elle est géniale : ça plus le succès commercial, effectivement, ça doit faire des envieux.

H.S. : Claire, si tu admets qu'il y a des envieux, tu reconnais par la même occasion qu'il y a bien compétition dans la littérature !

Oui, mais j'ai l'impression qu'on ne peut pas être envieux quand on est un vrai écrivain, de talent. Il n'y aurait donc compétition qu'entre les "mauvais écrivains" ?

l'envie ne se mesure pas à cela à mon sens. Un écrivain de talent peut envier un autre qui pour lui représente encore mieux. Je n'aime pas beaucoup ce critère de bon ou de mauvais écrivain qui est franchement très relatif, quant à Amélie, il n'y pas que des envieux, même en l'aimant, on peut admettre que certains la détestent la méprisent et ne trouvent rien à envier chez elle. Et je dis que leur avis ne vaut pas moins que le nôtre.

Si on part dans la relativité, on aura beaucoup à dire.
Personnellement, je préfère quand même avoir un avis tranché et m'y tenir sans penser que l'avis de tels autres est aussi valable que le mien.
Par exemple, pour Nothomb. Ceux qui comme tu dis la méprisent, j'ai envie de leur dire ce que je pense, à savoir qu'ils sont dans l'erreur, soit par manque de réflexion, soit par absence de réflexion, soit par incapacité génitale à penser, soit par refus obstiné de penser, soit par détournement de la pensée, soit par collusion de leur pensée avec une autre pensée qui les phagocyte, soit par pensées superposées qui leur fait voir double et donc relativiser l'intérêt nothombien, etc.
Il me semble que si l'on cautionne trop la personne qui pense le contraire de ce que l'on pense, on ne pense plus du tout, et c'est elle qui emporte le morceau.
Parfois, au fond de cachots obscurs, on a encore le droit de penser librement, voire de parler à haute voix pour les murs. C'est le cas de mon personnage en ce moment. Et même, ce lieu obscur et inconfortable où il est, on voudrait encore le lui supprimer... Un pansement sur les lèvres, peut-il encore gémir : vive la liberté ? Eh bien oui. Vive l'espoir !

pannonique a écrit:

quant à Amélie, il n'y pas que des envieux, même en l'aimant, on peut admettre que certains la détestent la méprisent et ne trouvent rien à envier chez elle. Et je dis que leur avis ne vaut pas moins que le nôtre.

Tout à fait d'accord sur le principe : il n'y a aucune raison de mépriser ou de refuser l'avis de quelqu'un qui détesterait les bouquins d'Amélie. En littérature comme dans le reste, les goûts de chacun sont respectables.
A l'une ou l'autre restriction près, quand même : respecter cette opinion suppose, de la part de ces personnes, le même respect pour ceux qui apprécient Nothomb. Et c'est loin d'être toujours le cas ! Deuxième restriction : c'est vrai que personne n'est obligé d'aimer les Nothomb, ni même de les lire. Mais là où je suis parfois un peu excédée, c'est quand, pour justifier ce mépris ou ce peu d'intérêt, on me ressort le vieux truc des fruits pourris, des chapeaux et compagnie. Que quelqu'un qui voit Amélie à la télé en tire la conclusion que ses livres ne sont pas pour lui parce qu'il n'apprécie pas sa manière d'être, je trouve que c'est juger des écrits sur quelque chose qui n'a rien à voir, mais ça relève de la liberté de chacun. Seulement, quand cela devient un argument pour essayer de m'expliquer que "Nothomb c'est une folle et ses livres, ça vaut rien" (exemple vécu, je le jure !), là je dis que le relativisme a des limites.

réctification : il y a une différence entre respecter et cautionner. Je respecte l'opinion des autres sans pour autant la cautionner, c'est une très grosse différence! Et je n'en reviens pas de ce que tu dis Claire : manque de réflexion, incapacité génitale, refus de penser! Tant que tu y es, dis carrément que ceux qui pensent différemment sont cons! Là pour le coup je suis choquée. Les gens qui n'aiment pas Amélie ne se réfèrent pas forcément à ce qu'ils voient d'elles à la télé, certains n'aiment tout simplement pas ce qu'elle écrit, et c'est leur droit : Absolument PERSONNE n'a le droit de dire que c'est parce qu'ils sont dans l'incapacité de penser! Essayer de comprendre les arguments des autres ne veut absolument pas dire qu'ont les cautionne. Même si j'aime profondément Amélie, je sais qu'elle ne fait pas l'unanimité, c'est un fait, et je peux le comprendre. Moi je déteste Christine Angot, et je n'apprécierais pas qu'un de ses lecteurs me dise qu'ils préfère se dire que je suis dans l'incapacité de penser!