L'appel au lecteur chez Amélie Nothomb

Il me semble que chez AN l'appel au lecteur ou la tension/pulsion vers le lecteur sont plus forts que chez les autres écrivains : appel à la réactivité du lecteur, à son esprit de logique, à son sens de la beauté, de la justice, à ses sentiments, mise en oeuvre d'une intense séduction des sens et de l'esprit, etc. Ce qui expliquerait le nombre impressionnant de fans, saisis dans cette sorte d'intimité créée dans l'espace du livre et en débordant (je ne parle même pas ici des correspondances et dédicaces qui en sont le prolongement tentaculaire).
Avez-vous ressenti cela, si oui, qu'en pensez-vous ?

Bien sûr c'est très frappant la manière dont elle nous questionne (implicitement ou non) sur notre vie privée ! Peut on la juger la dessus, je ne pense pas, elle cherche à être aimée et surtout à comprendre "l'humain", et si cela peut l'aider dans son écriture pourquoi pas ! et puis nous restons libre de tout lui dévoiler ou non...

Je ne suis pas vraiment sûre que le lecteur soit plus sollicité par un roman de Nothomb que par un autre texte de littérature contemporaine.
Le nombre important de "fans" (c'est-à-dire des gens qui sont bien plus que des lecteurs passionnés) s'explique à mon avis plus par le personnage Nothomb que par le contenu même de ses textes.
Ce qui ne veut évidemment pas dire que les romans de Nothomb ne sollicitent pas leur lecteur. Mais, claire, quand tu écris que ces textes font "appel à la réactivité du lecteur, à son esprit de logique, à son sens de la beauté, de la justice, à ses sentiments, mise en oeuvre d'une intense séduction des sens et de l'esprit, etc", je pense qu'on peut trouver ça dans à peu près tous les romans de qualité moyenne.

Plusieurs livres d'AN parlent des lectures des personnages : peut-être peut-on voir dans ce qu'ils disent de la lecture un appel du pied d'Amélie, qui aimerait être lue comme ces personnages lisent.
L'exemple le plus flagrant est sans doute celui de la diatribe de Tach contre les "lecteurs-grenouilles", qui "passent à travers un livre sans se mouiller" (citation très approximative), c'est-à-dire qu'ils ne sont absolument pas changés par leur lecture. Je crois que là, c'est une manière à peine déguisée d'expliquer aux lecteurs comment Amélie voudrait qu'ils (la) lisent.

"Les gens ne lisent pas. Et ceux qui lisent ne comprennent pas. Et ceux qui comprennent oublient". (citation approximative aussi)

Oui, il y en a vraiment dans (presque) tous les livres d'AN.
Un passage curieux, quand même, dans Le Sabotage amoureux : "Je ne lisais pas, moi. La lecture, c'était bon pour ces désoeuvrés qu'étaient les adultes."

Il y a sans doute une bonne dose d'ironie dans le propos, mais c'est quand même étrange, voire un peu contradictoire avec l'appétit précoce de lecture qu'AN manifeste notamment dans Métaphysique.

Je n'ai pas vu toutes ses interviews, mais de mémoire dans au-moins 3 d'entre elles, on peut y déceler un "appel au lecteur", pas exactement dans le sens où tu l'as défini, mais plus dans un souci d'échange, d'interactivité en quelques sortes...disons "appel à une réponse", puisqu'elle suggère ouvertement aux lecteurs de lui proposer des solutions, par exemple, pour régler son "problème" de manuscrits non-publiés et voulant le rester : certains lui ont proposé de les léguer au Vatican, d'autres de les publier chez la Pléiade etc.

Je ne connais pas le milieu, mais si l'on compare à un artiste qui fait des concerts, il a directement le feed back (retour) du public...

un écrivain écrit et puis lit les critiques et suis les ventes...pas évident de savoir quel est le retour...

En séance de dédicace il y a que les fans, pas forcement en concert...

c'est une importante différence? NON ?

est-ce qu'on peut parler de littérature facile chez AN

Vaste question...! Tu entends "littérature facile", tu entends le fait qu'elle publie chaque année ? Ou alors le contenu même des livres ? Perso, pour être honnête, je toruve que ses livres ont tendance à s'essoufler depuis deux ou trois ans, et je n'y trouveplus le même plaisir qu'avant. Après, je n'irais pas jusqu'à parler de littérature facile, ça me paraît un peu fort .

Intéressant ton avis sur ses derniers romans... qu'entends tu par "s'essoufler depuis deux ou trois ans" ? c'est le sujet, la manière d'écrire, le récit et sa tenue ?
Lui en as tu parler dans tes derniers courriers à amélie ou évites tu le sujet ?

perso, je suis en train de les relire tous afin de me faire un meilleur avis : à la 1re lecture, peplum et attentat étaient les deux romans que j'avais trouvé les moins bons... et cela me permet de lui donner un avis plus réfléchi sur cette seconde lecture dans les 3 courriers déjà adressés...

Madame Musquin a écrit:

Vaste question...! Tu entends "littérature facile", tu entends le fait qu'elle publie chaque année ? Ou alors le contenu même des livres ? Perso, pour être honnête, je toruve que ses livres ont tendance à s'essoufler depuis deux ou trois ans, et je n'y trouveplus le même plaisir qu'avant. Après, je n'irais pas jusqu'à parler de littérature facile, ça me paraît un peu fort .

s'essouflent depuis 2 ou 3 ans, t'es gentille...
En ce qui me concerne, j'aurai dit depuis Cosmétique de l'ennemi jusqu'au dernier sauf Biographie de la faim et Ni d'Eve ni d'Adam.

Vilaine Celsius , j'ai bien aimé Cosmétique, pour ma part

Burly, en fait je trouve qu'elle parle toujours un peu des mêmes choses, des mêmes thèmes...l'impression de retrouver les mêmes personnages. Alors bien sûr il y a des variations, mais au bout d'un moment j'ai l'impression que cela tourne en rond. Sans parler des fins, quand même limites parfois...
Je lui en ai parlé au sujet d'Acide sulfurique et Journal d'hirondelle .

il est vrai qu'amélie a un thème de prédilection : les travers humains et les difficiles histoires amoureuses...
mais c'est vrai que je peux penser manquer de recul par rapport à vous qui avez du relire de nbreuses fois ses livres.
J'aime bcp cosmétique (certes le thème du double n'est pas nouveau, je lui en ai parlé dans le dernier courrier lui donnant en conseil de lecture une nouvelle de stephen king); il est vrai que j'ai été décu par la fin du journal d'hirondelle qui tombe un peu à plat comme celle du fait du prince (mais j'aime bien celui là dans sa construction et il se lit bien)
Par contre celsius, je trouve que tu est un peu dure qd meme, depuis cosmétique ! tu n'aimes pas stupeur...

moi dans la généralité, j'aime bcp ses romans constitués de dialogues continus (cosmétique et hygiène donc) ça donne de la force au bouquin quand l'intrigue est un peu terne...

burlybrawl a écrit:

Par contre celsius, je trouve que tu est un peu dure qd meme, depuis cosmétique ! tu n'aimes pas stupeur...

Eh, Kiki! Stupeur c'était 2 ans avant Cosmétique! Et il y a eu Métaphysique entre. 2 livres que j'ai adoré, la chute fut difficile avec Cosmétique.
Il faut que j'enlève Journal d'Hirondelle de la liste que je considère comme pas très bonne, voir mauvaise. En effet, dégoutée par cette série de livres que je n'avais pas aimé, je ne l'ai pas acheté et pas lu, je ne peux donc pas donner mon avis.

oui mille excuses, j'ai pas encore toutes les dates par coeur dans la tete !

Un livre où elle s'adresse aussi directement au lecteur et à ses correspondances, c'est bien Une Forme de Vie. Et d'ailleurs le nombre de lettres qu'elle reçoit a augmenté après la parution de ce livre.
Je trouve ça étrange, je lui avais dit que si je l'avais découverte par ce roman, jamais je n'aurais osé lui écrire !

vera a écrit:

Un livre où elle s'adresse aussi directement au lecteur et à ses correspondances, c'est bien Une Forme de Vie. Et d'ailleurs le nombre de lettres qu'elle reçoit a augmenté après la parution de ce livre.
Je trouve ça étrange, je lui avais dit que si je l'avais découverte par ce roman, jamais je n'aurais osé lui écrire !

oui en effet, je suis d'accord avec toi Nadia, il est vrai que la façon dont elle parle de ses correspondances (longueur de la lettre, les demandes particulières, se dévoiler ou non...) peut en rebuter certains ou certaines de lui écrire... j'avoue m'être posé quelques questions à la lecture de son livre concernant sa relation épistolaire avec nous.

burlybrawl a écrit:

oui en effet, je suis d'accord avec toi Nadia, il est vrai que la façon dont elle parle de ses correspondances (longueur de la lettre, les demandes particulières, se dévoiler ou non...) peut en rebuter certains ou certaines de lui écrire... j'avoue m'être posé quelques questions à la lecture de son livre concernant sa relation épistolaire avec nous.

Oui en la lisant, j'ai fait un flash back dans ma tête en me remémorant les débuts de notre correspondance où j'écrivais de très longues lettres, je me suis dit que j'ai peu être dit beaucoup de bêtises.
Après la parution d'Une Forme de Vie, il me semble qu'inconsciemment je suis davantage dans la retenue.

oui moi aussi je lui écrivais du long, très long... et il est vrai qu'après la lecture d'une forme de vie, j'ai eu peur de la lasser par mes longues missives... mais après mûre réflexion, je me suis dit que je n'avais aucune raison de mettre un frein à mes écrits à son attention donc go on... et je continue avec 2 à 3 feuilles à chaque fois

Je vais faire étudier sa lettre ouverte ("Cher lecteur"), qu'elle avait fait paraître en 1997, à mes élèves. On verra si ça leur parle (j'espère ne pas faire un bide^^).

JM, je vois que tu lis le dernier Angot...je suis curieuse d'avoir ton avis, je voudrais le lire mais je n'ai pas envie de l'acheter (et je ne l'ai pas trouvé aux Champs Libres, grr).

ah initiative intéressante de ta part, faudra que tu nous en reparles

pas de soucis, je te dirai ca par MP.
J'avoue lire celui ci par curiosité, toujours dans l'envie de connaitre d'autres d'auteurs.
Je vais lire aussi "La théorie de l'information" de Aurélien Bellanger (deux livres que j'ai pu emprunter à ma médiathèque)

Moi aussi je trouve cette idée géniale
Bravo!
Mais par étudier ça veut dire quoi au juste ? ça serait cool de savoir par exemple les questions que tu pourrais leur poser
Peut etre nous aussi (en l occurence moi) on pourrait y repondre ou en discuter plus profondément

Oh tu sais, ce n fait ce ne sont pas des questions très "poussées", déjà parce qu'en collège on n'étudie pas autant les textes qu'au lycée; en fait, ce sont surtout des questions de compréhension . Et puis je vais leur demander de relever les métaphores du texte aussi, notamment dans le passage où les mots sont comparés à des éléments vivants.

C'est déjà bien comme suggestion la compréhension du texte et puis l'idée de relever les métaphores va les pousser à s'exprimer davantage, que ce soit à l'écrit ou à l'oral...
En tout cas, j'espère que tu nous en reparleras...