Le Figaro littéraire -21 août 2008 [article]

Amélie Nothomb.La romancière chahute délicieusement son lecteur avec l'abracdadabrante histoire d'un imposteur aux airs de M.Tout-le-Monde.
Comme les hirondelles annoncent le printemps, le dernier Nothomb notifie la fin des vacances.L'oisiveté n'est plus de mise.Le critique littéraire bronzé a l'humeur du collégien le premier jour de classe devant la liste des lectures imposées. Ilblanchit,oscillant entre stupeur et tremblements. Finit l'été paresseux, une nouvelle hygiène s'impose.Il décrète donc la lecture obligatoire: tant de pages par jour, ce sept jours par semaine en guise de bonne résolution de la rentrée appliquant à la lettre la méthode Nothomb: lumière allumée dès quatre heures du matin à noircir les pages de son futur roman.
Depuis septembre 1992 et la sortie d'Hygiène de l'assassin, elle en aura publié dix-sept.Le dernier né s'appelle Le fait du prince.Il totalise 170 pages, ce qui en fait un des cours romans de la rentrée et peut même être considéré comme une marque de délicatesse à l'encontre de certains lecteurs débordés. ce roman attend bien sûr les commentaires comme un cru de beaujolais en partance pour le Japon impeccablement rangé en caisses, certain de faire un carton nonobstant l'année. Foin de suspense, il faut d'emblée avouer que celui-ci est un bon millésime, d'une excentricité maïtrisée, un llivre dans lequel Amélie Nothomb chahute délicieusement le lecteur en l'embarquant dans la cavale surréaliste d'un imposteur aux airs de M.Tout-le-Monde.
Experte en contre-pied .Avec sa désinvolture habituelle, l'auteur a prévenu l'assistance dès le premier chapitre : n'appelez les secours que si quelqu'un meurt à vos pieds. Ca n'attire que des ennuis.BaptisteBordave,le narrateur, décide de taire le décès de l'inconnu venu par hasard mourir chez lui d'une crise cardiaque fulgurante. Il faut dire que le destin l'a gâté en lui livrant fortuitement la dépouille d'Olaf Sildur, un Suédois de quarante ans. Pour Amélie Nothomb,experte en contre-pied, un Suédois n'est pas forcément grand et blond. Le sien était d'ailleurs brun et grassouillet. La carte grise de sa voiture que baptiste Bordave retrouve garée en bas de chez lu i indique qu'il résidait à Versaille. Il ne roulait pas en Saab mais en Jaguar. A ce signe extérieur de richesse, Baptiste qui n'en possède guère mais s'ennuie beaucoup, décide de prendre l'identité du mort et d'abandonner le macchabée dans son modeste appartement, fermant la clé à son existence passée.Le nouvel Olaf rentre chez lui en Jaguar à versailles et fait rapidement connaissance avecla veuve qui ne sait pas encore qu'elle l'est. Dans l'imaginaire collectif, une veuve se distingue généralement à ses habits noirs, son visage sombre et une mélancolie bien compréhensible. le modèle suédois,à chercher
du côté de Bergman, est plus austère encor. Chez Amélie Nothomb,rien de tout cela,Mme Sildure est blonde et gironde , d'une cordialité rare. Un inconnu sonne à sa porte;ce ne peut être qu'un ami d'olaf,conclut- elle au nez du lecteur éberlué qui voit son héros fêté comme un hôte de marque. Cet esprit perpétuel de contradiction fait toute la force de l'auteur experte en histoires saugrenue qui ravissent le plus grand nombre.Revenant sur terre en cette rentrée qu'il faut débroussailler, le critique se souvient alors que gros succès public appliqué à livre fin et à cadence infernale de production agace souvent le petit milieu littéraire. D'où le sempiternel "Il est comment le dernier nothomb?" lancé avec une moue résignée comme si on parlait du dernier James bond depuis que Sean Connery n'est plus l'agent007.
Rapide coup d'oeil sur la revue de presse consacrée à Amélie Nothomb donne la cause du malentendu qui érige trop rapidement l'auteur en stakhanoviste du Bic bleu, gorgée de thé noir et chapeautée comme un champignon échappé d'une forêt de contes de Grimm. Traduite en quarante langues et inscrite au
programme del'université de Berkeley, Amélie Nothomb n'a pas besoin de s'étler sur des centaines de pages pour réuissir. Son style dense et ses intrigues à pirouettes prennent leur mesure dans ses romans nerveux et enlevés. Entendons-là du bonheur qu'il faut maintenir "dans un état convulsif dont la triste tranquilité prive les gens sans histoire". Avec elle, nous sommes servis. FRANCOISE DARGENT

Madame Musquin a écrit:

Traduite en quarante langues et inscrite au
programme del'université de Berkeley, Amélie Nothomb n'a pas besoin de s'étler sur des centaines de pages pour réuissir. Son style dense et ses intrigues à pirouettes prennent leur mesure dans ses romans nerveux et enlevés. Entendons-là du bonheur qu'il faut maintenir "dans un état convulsif dont la triste tranquilité prive les gens sans histoire". Avec elle, nous sommes servis. FRANCOISE DARGENT

Il faudrait peut-être dire à la Françoise que si AN est au programme à Bekerley ce n'est pas par suffrage enthousiaste des étudiants US mais parce que sa biographe perso a un poste à la fac là-bas, cqfd. ne pas confondre copinage et popularité merci.