Amélie nothomb. L'écrivain sera à Dijon demain après-midi
Voyage au bout de l'amour
Amélie Nothomb retrouve le chemin de Dijon : « Je n'étais pas venue depuis 1997. Et j'aime la Bourgogne. Pour 10 000 raisons émotionnelles et quelques-unes gastronomiques ! »
Hommage. Le Voyage d'hiver, titre d'Amélie Nothomb, est emprunté au cycle de 24 lieder de Frantz Schubert.
Graphomane. A. Nothomb écrit plus de trois romans par an (elle en est à son 67e), mais n'en publie qu'un seul.
P rovocante avec des chapeaux superbes mais hors normes, des déclarations percutantes (comme quand elle affirme chez Pivot qu'elle aime les fruits pourris, une phrase qu'on lui ressert régulièrement depuis plus de dix ans). Ou totalement absente des médias, ignorée des paparazzi… Amélie Nothomb, bien cachée derrière son masque, est l'un de nos écrivains contemporains les plus connus. Et sans doute aussi l'un des plus déjantés. Ou des plus doués du sens de l'humour, au 45e degré pour le moins.
Soyons clairs, on ne rit pas aux éclats en lisant Amélie Nothomb. Ou très rarement. En revanche, on peut savourer dans un sourire tel ou tel pied de nez que l'auteur nous fait. « C'est l'expression d'une distance, qui peut faire rire. D'une distance entre les faits racontés et la personne qui les raconte », explique-t-elle avant de s'échapper à sa manière. Mais aurait-on là l'une des règles premières de l'écriture d'Amélie Nothomb ? Une façon de se mettre en retrait - en regard - de se moquer d'elle-même toujours et encore. Faut-il évoquer à cet égard l'Aliénor de son dernier roman, le Voyage d'hiver ?
Vampirisme social et jeux de pouvoir en entreprise, Amélie Nothomb reste fascinée par l'emprise sur l'autre, jusque dans l'amour, jusque dans la mort. Comme elle reste fascinée par les voyages - est-ce l'influence d'une enfance relativement apatride - l'envol, l'ailleurs, la bulle qu'est un aéroport ou un avion. Ici Zoïle, enfermé à Roissy-Charles-De-Gaulle envisage un attentat et écrit son journal intime en quatre heures. Mais rappelez-vous Jérôme Angust de la Cosmétique de l'ennui, subissant un étrange double logorrhéique… « Mais j'ai des obsessions : l'inquiétante étrangeté (...) L'obsession des frontières aussi, des aéroports… » Un silence, puis elle reprend avec ce débit un peu précipité des timides, parlant de la mort. « Et d'assouvir cet intérêt que nous avons tous pour ce sujet », avant de se défendre : « Mes livres ne sont pas désespérés. Il y a une énergie en eux. Le désespoir est superflu… Le désespoir serait une facilité déshonorante. » Influence encore du Japon de son enfance ? Amélie Nothomb ne découvrit qu'à 17 ans l'Europe et son mode de vie. Comme on a souvent stigmatisé ses lèvres rouges, son teint blafard en oubliant qu'il s'agit des règles de base du maquillage traditionnel japonais… Affirmation d'une personnalité qui défend ou revendique une filiation ?
Tous les jours
Ce n'est pourtant pas un samouraï ou autre rônin qui fait son admiration, mais bien Don Quichotte. « Le personnage le plus courageux et le plus exemplaire… mais je n'ai pas triste figure », rit-elle. Ainsi va la vie avec Amélie Nothomb. Décalée, rapide, avec un sourire même s'il effleure parfois distraitement un désespoir qui passe. Comme ses livres, qui tous les ans, arrivent chez le libraire. 150 pages, rarement plus, parfois moins, et ce depuis quinze ans… L'histoire est rebattue : Amélie Nothomb s'affirme graphomane, et dit ne jamais cesser d'écrire. Avec à chaque fois, un style précis, efficace et d'une simplicité qui cache le travail. Elle a publié dix-huit ouvrages… mais est en train d'écrire le 67e. « Je ne publie que des livres écrits dans l'année, qui sont proches de moi. Mais le but premier de l'écriture, ce n'est pas la publication », affirme l'écrivain. Alors pourquoi ? Et tout à coup elle hésite, tente de s'échapper une nouvelle fois d'une boutade : « Si je le savais, sans doute je n'écrirais pas ! » Elle avoue : « Il s'agit de chercher une musique. De chercher un son, pour composer… » Elle cherche le mot soudain, elle qui a tant de facilité d'ordinaire. Une symphonie ? « Espérons que ce soit une symphonie. »
Jocelyne REMY j.remy@lebienpublic.fr
Rencontre avec des lecteurs dijonnais
Amélie Nothomb aime Dijon, et non seulement le dit mais le prouve… Elle participera demain, à 17 heures, aux Vendredis littéraires de la librairie Grangier. « Le choix du vendredi et de l'heure (en fin d'après-midi) permet aux personnes en activité de nous rejoindre et ainsi de prendre un moment de plaisir partagé avant le week-end. Nos rencontres sont ouvertes à tous, en libre accès sans obligation », explique la libraire Nathalie Doutre-Macia.
Librairie Grangier, 14, rue du Château, tél. : 03.80.50.82.50.
Amélie Nothomb est née en août 1967, au Japon, où son père est diplomate. Elle y passe sa prime enfance, vit également en Chine et en Birmanie, avant de s'installer en Belgique à 17 ans. Après avoir fait des études et être retournée vivre au Japon, elle publie son premier roman à 25 ans, en 1992, Hygiène de l'assassin. Depuis, tous les ans à l'automne, tombe un nouvel "Amélie Nothomb". Son plus gros succès est sans aucun doute en 1999 Stupeur et tremblements (plus de 500 000 exemplaires vendus). Ces deux romans ont fait l'objet d'adaptations cinématographiques. On peut évoquer aussi Antechrista (2003), Acide sulfurique (2005) qui choqua beaucoup parce que mettant en scène un camp de concentration ou encore la Métaphysique des tubes (2000), plus ou moins autobiographique.
Source : http://www.bienpublic.com/fr/permalien/article/2447665/Voyage-au-bout-de-l-amour.html