Amélie dans le Monde

Article du Monde d'aujourd'hui



haque automne, Amélie Nothomb livre un nouvel opus qui, sitôt l'encre séchée, vient s'inscrire directement en tête des meilleures ventes. Et ce, quelle que soit la qualité dudit opus, comme l'ont prouvé Acide sulfurique et Journal d'une hirondelle (1), ses deux derniers romans, quelque peu ratés.



Ce n'est donc pas sans une certaine crainte que l'on se plonge dans Ni d'Eve ni d'Adam, son seizième livre. Très vite cependant, ces appréhensions sont balayées par le trait vif, piquant, auto-ironique de cette romancière qui a choisi de nous entraîner une nouvelle fois au Japon - pays qu'elle aime entre tous et qui l'a vue naître en 1962. Elle dévoile ainsi le versant sentimental et lumineux de Stupeur et tremblements (2), récit où elle relatait le calvaire qu'elle endura dans une grande entreprise japonaise.

En 1989, un an avant cette descente en enfer qui la vit passer du statut de comptable à celui de dame pipi, Amélie part s'installer à Tokyo. Pour parfaire ses cours de japonais d'affaires, la jeune femme décide de donner des cours de français... Aussitôt sa petite annonce passée, se présente son premier - et unique - client - en la personne de Rinri, un jeune homme de 20 ans qui attend, non sans ennui, l'heure où il devra succéder à son père, directeur d'une école de joaillerie. L'arrivée de cette maîtresse singulière va vite sortir ce garçon courtois et timide de la torpeur doucereuse de sa vie.

D'une promenade lamartinienne sur le lac d'Hakone à un dîner cocasse et cathartique (voir l'épisode de la fondue suisse, hilarant), d'un voyage culinaire et durassien à Hiroshima à une randonnée fougueuse sur le mont Fuji ou à un séjour hiératique dans la maison familiale, peu à peu le charme opère entre ces deux grands enfants insouciants, fantasques, curieux de la culture de l'autre. Et sur le lecteur qui rit, s'instruit sur les us et coutumes japonais, découvre les goûts culinaires d'Amélie Nothomb ou encore son ivresse des sommets, qui la conduira dans une expédition tempétueuse, proche de la mort.

Longtemps encore cette romance sans enjeu, cette "histoire de goût" plus que d'amour, aurait pu se poursuivre, si le jeune amant n'avait voulu officialiser cette union... Dès lors, menant une double vie, "esclave le jour" dans l'entreprise Yumimoto, et "fiancée la nuit", Amélie se cherche et se débat entre des sentiments bienveillants à l'égard de ce jeune homme "étranger au mal", son rejet du conformisme, et un désir farouche de liberté et d'écriture qui, finalement, l'emportera. Non sans quelques désillusions...

Est-ce le retour à l'autobiographie ou au pays du Soleil-Levant qui permet à Amélie Nothomb de retrouver la grâce de ses premiers livres ? Toujours est-il qu'on se laisse emporter dans cette ballade sentimentale, culturelle et linguistique. Mélancolique parfois, lucide toujours, Ni d'Eve ni d'Adam, dévoile surtout, derrière les odeurs suaves de gingembre et les couleurs douces-amères du récit d'apprentissage, le roman sans doute le plus intime de cette écrivain définitivement atypique.

Ouahhh incroyable : une critique positive dans LE MONDE !! C'est merveilleux !

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