Dedicace à Lille 03/11/2010

.. ENTRETIEN COORDONNÉ PAR PATRICE DEMAILLY ET ISABELLE RAEPSAET> [Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien]


Dans « Une forme de vie », vous inventez une correspondance que vous auriez eue avec un soldat en Irak.

>> C'est parti d'un article du journal Usa Today. J'étais en promotion à Philadelphie et je lis qu'il y a une épidémie d'obésité chez les soldats en Irak. Rien de plus, mais ça m'a beaucoup frappée. Pourquoi la guerre en Irak rend-elle obèse ? Moi qui avais envie de parler de ce conflit, mais qui suis totalement incapable de faire un livre de guerre, j'avais trouvé un moyen. Mais comment mettre en scène ces gros soldats américains que je n'avais jamais rencontrés ? J'ai pensé à ces valises de courriers que je reçois chaque jour. C'était ça, le chaînon manquant : imaginer qu'un d'entre eux m'écrive...
D'où est venue cette habitude de répondre à tout votre courrier de lecteurs ?
>> Trois jours après la parution de mon premier roman, j'ai reçu une lettre très enthousiaste. J'ai répondu sur le champ. Je ne savais pas dans quel engrenage je mettais le doigt. Qu'on ne s'y trompe pas, recevoir une vraie lettre avec de la substance, c'est formidable. Mais quand on m'écrit pour se plaindre ou pour vérifier que je réponds vraiment...
Depuis la parution d'« Une forme de vie », en recevez-vous plus?
>> J'en suis à écrire 20 lettres par jour, pour que mes piles de courriers ne s'effondrent pas sur moi !
Vous fait-on des demandes extravagantes ?
>> De l'argent, ou bien de faire rencontrer Brigitte Bardot, je l'ai écrit dans mon livre. Je me souviens aussi d'une jeune Flamande qui avait fait l'effort de m'écrire en français. J'en avais déduit qu'elle était très motivée et j'attendais sa demande. Il y en avait effectivement une. Dans le dernier paragraphe, elle m'interrogea sur... la meilleure technique pour construire une cabane dans un arbre.
Et ?
>> Il faut trouver un arbre creux !
Pensez-vous à une éventuelle adaptation au cinéma de ce roman?
>> C'est la dernière chose à laquelle je pense. Quand j'écris, j'ai du mal à imaginer que mon histoire puisse être autre chose qu'un livre. Beaucoup de réalisateurs ont été intéressés par mes romans et, pour le moment, deux d'entre eux ont été adaptés. Hygiène de l'assassin qui était très mauvais et Stupeur et tremblements qui était formidable. Mais je n'y suis pour rien. Il y en a un en préparation actuellement, de Ni d'Ève ni d'Adam, par un Belge qui s'appelle Stéfan Liberski et qui devrait se tourner en 2011.
Comment vous vient l'inspiration?
>> Les gens y voient quelque chose de mystique. Alors, bien sûr, quand on sait que je suis levée tous les jours à 4 h, que je travaille à heures fixes... Et pourtant, c'est bien d'inspiration dont il s'agit. J'ai pu observer que pour en être le meilleur instrument, je dois me lever tôt, boire un demi-litre de thé avant de commencer à écrire... Je sais que ça ne fait pas rêver, mais c'est comme ça. On imagine que les écrivains ont une vie de bohème. Je ne dis pas que mes nuits ne sont pas inintéressantes.
Mais à 4 h, fini de rigoler !
Quel regard avez-vous sur votre succès ?
>> Ce n'est pas désagréable !
Certes, il y a le stress avant la sortie du livre qui est un peu pénible. Mais là, le moment que nous passons ensemble, c'est génial, passionnant. Ce serait pénible si je n'étais qu'une potiche qui sourit aux photographes.
Même répondre la même chose, jour après jour, aux journalistes qui vous interviewent?
>> C'est normal de répéter les mêmes choses. Et c'était bien plus ennuyeux de nettoyer les WC quand j'étais « dame pipi » au Japon. Et puis, mine de rien, ce n'est pas inintéressant de répéter. À force, on se questionne soi-même. Peut-être qu'au bout de quatre mois, la réponse aura un peu changé. Et puis, il faut s'intéresser à ce que les autres vont vous dire. On fait de la promo pour les autres, pas pour soi.