SudOuest.com : Bordeaux le 09.12.2009

Amélie Nothomb toujours à pic

Elle est la première des écrivains à l'aura de rock-star, de ceux dont la présence médiatique et le discours comptent au moins autant que l'écriture. Au contraire des écrivains des années 50 qui parlaient peu d'eux mais que l'on écoutait, ceux qui ont suivi la miss Nothomb s'étalent partout mais on ne les entend plus. Intelligemment, elle a choisi depuis le début des années 2000 de parler moins à tort et à travers et de laisser ses livres s'exprimer à sa place. Mais lorsqu'elle se déplace, le show Nothomb fonctionne à plein.

Mot d'excuse

À 16 heures, la file d'attente des inconditionnels de l'écrivain à l'annuel roman serpentait avec un sage recueillement entre les rayons de la librairie Mollat. Une heure et demi d'attente au bas mot pour obtenir le paraphe sacré d'Amélie, arrivée à l'heure pile, dos bien droit sur sa chaise, sourire aux lèvres toujours impeccablement vermillons. Un public dont près de la moitié n'était pas née lors de la révélation que fut « Hygiène de l'assassin » en 1992. Tel ce lycéen qui lui avoue avoir séché un cours pour la rencontrer : « Vous voulez un mot d'excuse ? Je l'ai déjà fait... » Mutine, Amélie dédicace sur la page de garde : « Ceci est un mot d'excuse. » Guérit-elle aussi les écrouelles ? Un mot adapté à chacun : « Oh, le joli chapeau ! » pour Anaïs qui a effectivement un beau couvre-chef. Le compliment vient d'une experte, il est apprécié.

Souriante toujours, s'enquérant avec intérêt de la vie de son vis-à-vis avant de lui rédiger son petit mot, Amélie Nothomb maîtrise la relation avec le lecteur avec autant d'aisance et d'affabilité qu'un Jacques Chirac en campagne au salon de l'agriculture. « C'est une bête de foire », s'amuse sarcastique une cliente qui passe et n'apprécie visiblement pas. Elle parle, s'intéresse, questionne son lecteur mais sait interrompre une conversation avec une douceur enjouée qui réjouit l'éconduit, avec un art consommé du retour à la ligne sans point de suspension.

Deux heures plus tard, elle se tient toujours aussi droite, sourit avec autant d'aménité et s'étonne de tout avec autant de sincérité. Seul son léger clignement des yeux s'est accentué.

Le No et Souchon

Mais c'est dans le même clin d'oeil que d'idole des jeunes, elle se transforme en mélomane au Grand-Théâtre où Laurent Croizier l'interroge sur son rapport à la musique. Une culture musicale forgée au No japonais dont son père était chanteur. « Il faut un certain temps pour se rendre compte que c'est beau. » Elle a emballé les lycéens, elle saura mettre le public du Grand-Théâtre dans sa poche aussi. Le discours n'est pas brillant ni érudit, il est suffisamment espiègle pour le faire oublier.

Amélie Nothomb confie avec passion son amour pour les Lieder de Schubert, pour Bach, Beethoven et Monteverdi, avec autant de sincérité qu'elle faisait partager son goût pour Souchon l'après-midi. Elle montre une capacité à répondre aux questions saugrenues avec un deuxième degré délicieux et plein de tact.

Si Laurent Croizier lui rappelle que, contrairement à elle dont certains romans ont été transformés en opéra par Daniel Schell, Victor Hugo refusait que l'on mette des notes sur ses vers, elle choisit l'échappatoire : « C'est ce qui fait toute la différence entre Victor Hugo et moi ! » Jamais elle ne s'appesantit. Une pirouette, elle parle déjà d'autre chose que d'elle. Sur son métier par contre, elle esquive peu. Pour elle, son style, c'est une musique et sur les 3,7 romans annuels qu'elle écrit (elle a calculé sa moyenne), elle ne garde que celui qui sonne le plus juste.

Laurent Croizier trouve-t-il des correspondances stylistiques entre son « Voyage d'hiver » et les Lieder de Schubert ? Elle esquive et parle de sa belgitude qui lui permet de comprendre l'allemand sans l'avoir appris. Elle est légère et volatile, ses réponses fusent et s'envolent. Elle est une écrivain de son temps : elle parle aussi bien qu'elle écrit. Elle aurait tout aussi bien fait la joie des salons littéraires du XVIIIè siècle. Pas mal pour une rock-star de l'écrit.

Auteur : Jean-Luc Eluard

Source : http://www.sudouest.com/gironde/loisirs-culture/article/801610/mil/5465364.html

Merci Fred!
Un plaisir a lire ses paragraphes =)

Très bel article qui correspond tout à fait à ce que j'ai pu observer personnellement !

Ah oui, Amélie répond au second degré ? Je ne m'en étais pas aperçue !

g aimé cet article parce qu'il parle d'AN mais aussi parce que ça parle d'AN à bdx ça m'a rappelé les bo souvenirs !!!!! dommage qu'à l'époque je ne connaissais pas encore les livres d'AN
Peu importe, je ferai un voyage un jour et j'assisterai à une de ses sessions de dédicaces en vrai

Allez vite voir Amélie dans le JT de France 3 dans la partie "STUDIO"

C'est ici : https://amelienothomb.forumactif.com/studio-f3/france-3-aquitaine-le-09-12-2009-t2184.htm#37922

Très bon article car réaliste et intelligent. Ca change des journalistes qui répètent à longueur de temps toujours les mêmes banalités. Celui-ci a pris le temps de l'observer, de la comprendre.

Je suis d'accord avec toi Hirondelle.

Je suppose donc qu'Amélie a apprécié l'interview, laquelle est plus intelligente que celle du magazine GRAZIA !