Interview Le Progrés.fr du 12/11/2009

Pourquoi tout ce froid dans votre roman ?
J'ai toujours constaté qu'écrire me donnait formidablement froid, et pourtant je déteste le froid. Mais la misère que l'on ressent dans une telle souffrance pousse l'être dans ses retranchements. Il perd tous ses conforts, celui du corps et celui de l'âme. En plus il y a une dimension très socratique dans ma façon d'écrire. L'univers est un combat entre le chaud et le froid, or, même en cas d'explosion, d'incendie, le dernier mot ira toujours au grand»

Et le trip aux champignons hallucinogènes ?

Il signifie qu'il faut retrouver la virginité des perceptions. Il y a plusieurs manières. Le trip en est une, l'amour fou une autre. Il y a une magie, celle de l'enfance, que l'on perd malheureusement avec l'âge adulte. Regardez les petits enfants dans le métro : ils sont en plein trip ; c'est ce regard-là qu'il faut retrouver, ce sont eux qui ont raison.

Qui êtes-vous, la romancière neuneu, l'apprenti terroriste… ?
Il est évident que je suis les trois personnages. Je suis plus Aliénor que les deux autres mais les trois peuvent être vus comme trois manières de créer : Aliénor de manière instinctive, animale, Astrolabe, c'est celle qui rend possible le rapport humain, peut harmoniser le rapport entre les autres…

Entre l'auteur et ses lecteurs…
Peut-être, Astrolabe c'est donc aussi un peu moi. Tandis que Zoïle c'est la violence. Si la composante Aliénor est plus forte chez moi il y a aussi un socle de violence, comme en tout être. À la base, Zoïle c'est quelqu'un de très bien, il fait un métier admirable car il aide les gens à se chauffer. Mais il veut faire mieux que les autres, il veut un amour sublime et pète un câble. Je ne dis pas qu'il a raison mais son acte est le résultat d'un excès de frustration. On peut faire la comparaison avec Schubert. « Le Voyage d'hiver » était sa dernière musique avant de mourir sur le coup de l'énorme frustration de sa vie amoureuse, désastreuse.

Pourtant vous écrivez : « Il n'y a pas d'échec amoureux ».
Il y a une telle joie d'aimer que le simple fait d'aimer, même sans réciprocité, est en soi un triomphe. Même si on connaît un désastre amoureux, et j'en ai connus, comme tout le monde, est-ce qu'on est prêt à dire qu'on aurait aimé ne pas le vivre ? Non. Donc ce n'est pas un échec.

Avez-vous félicité votre « mari » (Frédéric Beigbeder) pour son Renaudot ?
Oui bien sûr, je l'ai félicité. Mon message était le suivant : « Bravo, tous les hommes que j'épouse sont promis à un grand destin ! »

Annick Stevenson



Fnac Bellecour, 17 h 30.

Crash aérien et amoureux
« Cette histoire m'est vraiment arrivée fin 1997 quand je me suis installée à Paris. Mon appartement n'avait pas de chauffage, et je vivais avec une colocataire. Je mourais de froid en écrivant. À l'époque l'EDF envoyait des visiteurs chez les gens pour voir s'ils étaient bien installés », raconte Amélie Nothomb. « Un jour cet employé est arrivé chez moi, muni d'une fiche sur laquelle il était écrit A. Nothomb. Lorsqu'il a vu une espèce de Mongole avec quinze écharpes autour du coup, une cagoule, trois manteaux sur les épaules, il n'a pas voulu croire que j'étais l'écrivain et il s'est adressé à ma colocataire. »

D'où la « romancière neuneu » du roman, Aliénor, vivant avec sa belle protectrice et agent littéraire, Astrolabe, dont l'employé de l'EDF, Zoïle, tombe amoureux. En vain. Désespéré, il fomente son suicide sous forme de crash aérien grâce à une bouteille de champagne achetée en duty free. Clin d'œil d'Amélie à l'égard de règlements aériens nés de peurs irrationnelles.

Un roman plein de surprises et d'humour, écrit par fines touches. Et un immense succès, comme les précédents, auprès d'un lectorat jamais rassasié du regard malicieux d'Amélie Nothomb sur les bizarreries du monde contemporain.


Source : http://www.leprogres.fr/fr/temps-libre/article/2182750,194/Ecrire-me-donne-froid.html

Citation :

Bravo, tous les hommes que j'épouse sont promis à un grand destin !

J'adore son humour!!!

PS: jolie photo Fred...

Sympa cette interview et Amélie livre quelques clés de lecture;)

ps: Fred j'adore ton nouvel avatar:)

Oui j'adore aussi cette sublime photo de mon avatar ... j'ai fais une belle trouvaille là. Le pire c'est que je ne sais même plus où je l'ai trouvé

Elle est comique... on dirait qu'elle est effrayée par ce qu'elle voit...

Uh qu'il est bon de lire d'aussi bonne interview qui permettront de re...relire l'oeuvre avec à l'esprit quelques nouvelles clés de lecture.