plusieurs périodes ?

Je me demandais si vous perceviez des "périodes" nettes dans l'oeuvre d'AN ? est-ce que certains livres vous paraissent marquer un tournant dans sa carrière, amorcer une nouvelle "ère" ?
J'entends "période" dans le même sens que la "période bleue" ou la "période rose" chez Picasso : un ensemble d'oeuvres délimitées dans un temps plus ou moins long et ayant entre elles une forte unité, qui les distingue des autres oeuvres n'y appartenant pas.
Je sais que c'est un peu difficile de se prononcer, dans le cas d'une écrivaine qui est encore en pleine phase de production, mais si vous avez des idées...
Ou si Amélie elle-même en a déjà dit quelque chose dans une interview dont je n'ai pas connaissance ????

Bonne question.
En y réflechissant, pas du tout. La preuve avec le dernier qui renoue avec Stupeur et les autres bios. Certains sortent du lot comme JdH ou Acide. Mais des périodes, moi je n'en discerne pas.
Cependant c'est une question intéressante. C'est légitime de se la poser, et je me demande pourquoi personne ne l'a fait avant (peut-être somme nous trop limités ? lol)

Merci de votre intérêt pour cette question, Oscar !
Je dois dire que si je l'ai posée, c'est vraiment pour avoir l'avis des membres du forum, parce que je n'ai pas de réponse moi-même.
Je serais toutefois assez d'accord avec vous : une sorte de continuité trouée occasionnellement par quelques livres qui sortent du lot. J'ajouterais cependant Antéchrista à votre liste.

J’ai fractionné l’œuvre d’Amélie Nothomb en 3 périodes :
- d’« Hygiène de l’assassin » à « Péplum » : écriture brillante , sujets plus ou moins intéressants , parfois au sein du même livre ( le remake de « la guerre des boutons » et l’histoire d’amour avec Elena ) , mais globalement beaucoup moins que dans les livres suivants , parce que moins personnels ( sauf dans « le sabotage amoureux » mais celui-là on n’était pas censé le lire )
- d’« Attentat » à « Cosmétique de l’ennemi » : mes cinq préférés , l’âge d’or .
- de « Robert des noms propres » à « Journal d’Hirondelle » : le style est devenu laconique , factuel , assez plat. Quant aux histoires , c’est variable – du dérangeant « Journal d’Hirondelle » au consternant « Acide sulfurique » .

Ensuite je n’ai pas lu « Ni d’Eve ni d’Adam » .
Mathématiquement , Amélie Nothomb doit être entrée dans une nouvelle « période ».

Après avoir (un peu) re-réfléchi à la question et avoir écouté l'interview d'AN sur le site http://assolettr.free.fr (je ne sais pas si on a déjà parlé de cette itw sur le forum), je me demande si on ne pourrait pas globalement établir une coupure juste après Cosmétique de l'ennemi.
J'excepte les livres autobiographiques de mon raisonnement, qui me paraissent des cas à part.
D'Hygiène de l'assassin à Cosmétique, ce serait la période où AN, comme elle le dit d'ailleurs d'elle-même dans Péplum, se conçoit plus comme "dialoguiste" que comme romancière. Période donc où ses livres sont soit de vastes dialogues (Hygiène, Les Combustibles, Péplum, Cosmétique[/i]), soit au moins des textes où les dialogues tiennent une place très importante (Les Catilinaires, Mercure, et dans une moindre mesure Attentat).
Après cette période - à partir de 2002 et de Robert des noms propres, donc -, Amélie serait passée à une forme romanesque plus narrative, où le récit prend le pas sur le dialogue. Bien sûr, les dialogues existent toujours, mais ils ne sont intégrés dans un récit qui devient la véritable ossature du texte.

Cette tentative de périodisation serait évidemment plus une tendance générale qu'une vérité absolue.

Je ne vois pas de "périodes" dans l'oeuvre d'Amélie, et je dois dire que je n'aime pas beaucoup mettre les choses dans des cases, (je respecte bien sûr ceux qui pensent le contraire), je crois qu'en enlevant un ou deux romans de l'oeuvre complète, il n'y a pas de vide en ce sens, que chacun est un complément de l'autre...

Kasimystik a écrit:

Je ne vois pas de "périodes" dans l'oeuvre d'Amélie, et je dois dire que je n'aime pas beaucoup mettre les choses dans des cases, (je respecte bien sûr ceux qui pensent le contraire)

Je suis d'accord avec toi sur la question des "cases" :cela n'a pas grand intérêt, surtout en matière de littérature. La question visait simplement à voir si on percevait une évolution nette (voire une rupture) dans les oeuvres d'AN et où et comment chacun la situait.

Je trouve qu'Adam et Eve entame une nouvelle période, non seulement au niveau de l'histoire narrée qui est plus lumineuse que les précédentes mais aussi au niveau du ton, et puis, une largesse, une générosité que permet une maîtrise à son apogée. En y réfléchissant davantage, ce livre méritait vraiment le Goncourt, mais tout le monde aurait-il pensé comme moi ?

claire boitel a écrit:

Je trouve qu'Adam et Eve entame une nouvelle période, non seulement au niveau de l'histoire narrée qui est plus lumineuse que les précédentes mais aussi au niveau du ton, et puis, une largesse, une générosité que permet une maîtrise à son apogée.

Je suis d'accord, il y a une rupture de ton assez nette dans Ni d'eve ni d'Adam - comme Amélie le suggère elle-même lorsqu'elle écrit que c'est le seul de ses livres où personne ne veut tuer personne.
Pour autant, on ne pourra sans doute parler de nouvelle période que si cette tendance se vérifie par la suite. Peut-être ce texte n'est-il qu'un (superbe) hapax ????

Je pense (et c'est mon droit d'être) qu'arrivée à 40 ans, Amélie Nothomb va se rendre compte d'elle-même que les meurtres d'amour, c'est un truc de gamin, et qu'elle va poursuivre cette voix plus mûre et plus complexe qu'elle initie dans Ni d'Eve ni d'Adam. Perdre ses obsessions au profit de nouvelles perspectives, quoi de plus enthousiasmant ?

les "meurtres d'amour" ne sont pas des trucs de gamins, c'est une autre sensibilité, c'est tout. Amélie n'est pas passée en un an du statut de gamine à celui d'écrivain plus complexe et plus mûr. Ce thème c'est son obssession et elle y reviendra, cela me semble évident (mais cela à moi aussi est mon humble avis)...

Les paris sont ouverts pour le prochain Nothomb !
Il ne me déplairait pas que tu aies raison, claire : un renouvellement radical serait sans doute intéressant (même si j'aime beaucoup le côté "meurtres d'amour").

claire boitel a écrit:

Je pense (et c'est mon droit d'être) qu'arrivée à 40 ans, Amélie Nothomb va se rendre compte d'elle-même que les meurtres d'amour, c'est un truc de gamin

"Truc de gamin" ou fantasme ?

Les meurtres d'amour sont omniprésents dans les romans d'AN, ils sont la matière de la plupart de ses premiers livres. Dans un autre sujet, tu proclames qu'AN est un très grand auteur (je pense que tu parles même de "génie") et ici, tu qualifies l'un des ressorts récurrents de ses fictions de "truc de gamin". N'y aurait-il pas une contradiction ?

nausicaa a écrit:

Dans un autre sujet, tu proclames qu'AN est un très grand auteur (je pense que tu parles même de "génie") et ici, tu qualifies l'un des ressorts récurrents de ses fictions de "truc de gamin". N'y aurait-il pas une contradiction ?

Les "trucs de gamins" ne sont pas toujours mauvais, il n'y a pas forcemment une connotation négative dans ce terme. En tout cas, pour moi il n'y en a pas.

Après je ne sais pas dans quel sens Claire Boitel disait cela...

Amélie est et restera un grand enfant !!! l'âge n'y fait rien...